Christian Saout, AIDES : Avoir une politique audacieuse vis-à-vis des gays

Publié le par AIDES

L’association de lutte contre le sida AIDES s’est intéressée à l’équation séropositivité/homosexualité, mal connue et dénigrée, à l’occasion d’états généraux des gays séropositifs, les 24 et 25 novembre. On estime en effet que 10 à 15 % des homosexuels sont séropositifs. Mais, comme le précise Christian Saout, président de l’association, la France « doit avoir une politique audacieuse vis-à-vis des gays pour limiter les nouvelles contaminations ».

 

Quel constat général pouvez-vous faire des états généraux des gays séropositifs ?

Là où nous pensions que des questions relatives à la prévention ou au dépistage allaient être majoritairement discutées, c’est surtout la question sociale qui s’est posée. On peut s’interroger, en se disant que ce sont les plus vulnérables, ou les moins argentés, qui sont venus à ces états généraux. Mais ce n’est pas seulement le cas. Ce qui signifie qu’il y a des problèmes assez importants en termes de qualité de vie, plus que de quantité de vie. Aujourd’hui, nous pouvons nous permettre de souhaiter longue vie aux séropositifs. Toutefois, leur qualité de vie n’est pas enviable, soit parce que les traitements sont lourds, soit parce que les conditions de vie sont très abîmées par l’absence d’acceptabilité sociale.

 

Le rapport 2006 d’ONUSIDA cible quatre populations à risques, parmi lesquelles se trouvent les homosexuels :

C’est une réalité. C’est un groupe humain numériquement modeste par rapport aux hétérosexuels. De plus, c’est un groupe dans lequel la prévalence* du sida est forte. 10 à 15 % des homosexuels sont séropositifs, alors que seuls 0,02 % des hétérosexuels le sont. Cela nécessite donc d’avoir une politique audacieuse vis-à-vis des gays pour limiter les nouvelles contaminations.

 

Comment peut-on expliquer cette prévalence* ?

Il y a probablement une spécificité française. La France a fait sa révolution sexuelle extrêmement tardivement, grâce notamment à la mobilisation des gays dans les années 1970 et à celle des femmes. Dès les premiers jalons de cette révolution, l’épidémie de sida arrive et referme le débat. Nous n’avons pas eu le temps de vivre, après la révolution sexuelle, l’éducation sexuelle. Ce qu’ont fait tous les autres pays du nord, comme l’Allemagne et la Suède, dans les années 1920-1930. Ils ont donc eu quarante ans ou plus de pratique de l’éducation sexuelle et de la prévention. Notre pays n’est pas déjà très bon dans la prévention de manière générale, mais encore moins dans la prévention des IST (infections sexuellement transmissibles).

 

Par ailleurs, les gays sont probablement plus libérés que les autres. Beaucoup de couples homosexuels acceptent des relations extérieures. Ce qui est moins vrai dans les relations hétéros.

 

Enfin, cette prévalence a des explications sociales. On oppresse les homosexuels en ne leur offrant pas de destin transgénérationnel. On leur interdit toujours l’idée même d’accéder à une famille. Quel intérêt pouvez-vous avoir pour la préservation de votre santé si vous savez que vous ne pouvez pas fonder une famille ? Pourquoi se protéger puisque de toute façon votre vie n’appartiendra qu’à vous ? C’est là qu’il y a un combat social extrêmement important. Ce sont des facteurs cumulatifs, il n’y a pas qu’une seule explication.

 

La nouvelle population séropositive est pourtant majoritairement hétérosexuelle :

L’épidémie s’hétérosexualise. Mais nous avons davantage affaire à une féminisation de l’épidémie. On parle peu de la vulnérabilité des femmes. Elles courent plus de risques de contamination que les hommes. Premièrement, le virus est contenu dans le sperme. Deuxièmement, elles ont une muqueuse vaginale dont la surface est assez importante, et constitue une porte d’entrée pour le virus, alors que les hommes ont des muqueuses sexuelles beaucoup plus réduites. C’est une vulnérabilité biologique. De ce point de vue, il est dramatique qu’on propose aussi peu le préservatif féminin et qu’il soit aussi cher.
À ce problème s’ajoute la vulnérabilité sociale. Les femmes sont plus dominées que les hommes. Nous avons donc davantage affaire à une féminisation de l’épidémie.

 

*prévalence = nombre de cas constatés dans une population déterminée

Publié dans Lutte contre le SIDA

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